Architecture scolaire : nos tips pour créer des espaces propices au bien-être et à l’apprentissage (8/8)
Le grand architecte Renzo Piano justifie, comme suit, l’importance que l’on devrait accorder à l’architecture scolaire : “Une ville où il fait bon vivre, c’est une ville où l’on dort, où l’on travaille, où l’on s’amuse, et surtout où l’on va à l’école. Je dis “surtout” parce que si nous pouvons décider de ne pas visiter un musée, nous devons tous passer sur les bancs d’une école. S’occuper de bâtiments scolaires est un raccommodage qui, plus encore qu’architectural, est social.”
À la recherche d’une école toujours plus efficace (school effectiveness studies) et de performances, de nombreux architectes et sociologues soulignent l’impact de l’architecture sur la réussite des élèves. Mais pourquoi et comment un bâtiment peut-il contribuer à la réussite scolaire de tous les élèves d’aujourd’hui et de demain ? Comment adapter l’architecture à des méthodes pédagogiques en permanente évolution ?
Ces interrogations suscitent de plus en plus l’intérêt des pédagogues, des usagers, des décideurs, mais aussi des architectes. Certains ont identifié et listé les spécificités d’un établissement performant comme Maurice Mazalto dans “Une école pour réussir : L’effet établissement” en 2005 ou Pascal Bressoux dans “Effet établissement” en 2008.
Dans tous les cas, un établissement scolaire n’est jamais neutre et revêt des bénéfices pédagogiques certains en contribuant au bien-être des élèves, au développement de l’attention et de la concentration, à la stimulation de la créativité, de l’exploration, de l’imagination et de l’expérimentation… L’environnement physique et social de l’enfant contribue à sa construction à un moment où lui-même connaît des mutations physiques dues à sa croissance et où il développe son sens moral et social.
Au jour d’aujourd’hui, le constat est plutôt alarmant avec des établissements scolaires vieillissants et inadaptés à l’accueil de plus en plus d’élèves et aux nouvelles réformes de l’éducation. Les pays occidentaux se retrouvent à devoir construire et/ou rénover rapidement. Pour cela, ils doivent appréhender la complexité de la construction et de l’agencement des espaces pédagogiques. En 2004, Anne-Marie Châtelet dit que l’espace scolaire doit “être interrogé sur son sens au regard de la pédagogie et non sur sa matérialité”.

Histoire de l’architecture scolaire
La notion d’établissement scolaire reste assez récente partout dans le monde. Avant l’ère industrielle, il n’y avait pas vraiment d’école et on apprenait à travers les activités du quotidien.
Durant l’Antiquité, Platon enseignait à ses élèves son savoir dans un jardin. Au Moyen-Âge, il n’est pas rare de voir se former des salles de classe dans le chapitre des monastères.
D’ailleurs, plus récemment, dans les années 70, le rôle de la salle de classe et de l’établissement scolaire tel que l’on connaît est remis en question. Par exemple, en 1972, le programme Parway de Philadelphie propose à des élèves, peu scolaires, un enseignement hors-les-murs. Les cours ne se déroulent pas en classe, mais dans la ville tels que dans les musées, les hôpitaux ou encore les bibliothèques.
Mais comment ces interrogations autour de l’architecture scolaire ont-elles vu le jour ? Il paraît bon de se pencher sur son histoire au cours des siècles.
Massification de la scolarisation
Sous l’Ancien Régime, en Suisse, comme en France, les premiers établissements scolaires sont de prestigieux collèges, destinés aux classes les plus aisées. L’enseignement élémentaire n’existe pas encore, mais certains enfants bourgeois se voient enseigner à domicile. Pour les classes ouvrières, les enfants travaillent toute la journée. Mais à terme de leur journée de labeur, ils leur arrivent de former des classes directement dans les fabriques pour apprendre leur catéchisme et les lettres.
En Suisse, au XIXème siècle, des centaines d’enfants d’âge différents se réunissent dans de grandes salles pour leur instruction. On y pratiquait l’enseignement mutuel sous l’impulsion du Père Girard (1765-1850), un célèbre pédagogue. Cette méthode permet d’enseigner à un grand nombre d’enfants pour un faible coût. En 1807, le Père Girard réussit à faire construire à Fribourg la première école pour enseigner grâce à sa méthode pédagogique. C’est lui qui en fait les propres plans avec de grandes salles, des allées larges pour une meilleure circulation et des tablettes pour chaque élève. Si cette expérience ne dure que quelques années, elle inspirera l’architecture moderne des écoles nordiques durant les années 1960 et 1970 qui font grand place aux travaux de groupe.
En parallèle, il existe en Suisse les premières salles de classe qui ne sont pas uniquement destinées aux activités scolaires. C’est pourquoi une loi vaudoise doit interdire, en 1834, l’utilisation des salles de classe pour danser et boire.
Entre le XIXème siècle et le XXème siècle, de nombreux Etats voient l’instruction devenir obligatoire. L’architecture scolaire, par le choix de matériaux nobles, les clochers, les estrades et pupitres, cristallise les valeurs d’ordre et de hiérarchie dans toute l’Europe.
À partir de 1877, l’instruction devient obligatoire en Suisse simultanément à l’interdiction du travail des enfants dans les fabriques. On s’inspire à cette époque du modèle architectural des collèges de l’Ancien Régime avec un enseignement frontal. Les enfants sont séparés en classe selon leur âge et le programme d’éducation suit un plan rigoureux et détaillé. On assiste à une standardisation de la salle de classe : une salle rectangulaire, avec des grandes fenêtres en façade, des rangées de pupitres dirigés vers le bureau du maître qui enseigne depuis une estrade.
Dès 1907, des écoles sont construites dans les villes et dans les villages. On développe un vocabulaire architectural standardisé et on assiste à la naissance du célèbre style helvétique du “Heitmastil”. Celui-ci se reconnaît grâce à la fière allure des bâtiments aux toits à fortes pentes dominés par des clochetons et des cheminées. A l’intérieur, les salles de classe s’enfilent autour de longs couloirs. Ces écoles doivent être lumineuses et à l’abri des nuisances sonores. Elles ont pour but d’éduquer le goût des classes populaires et les valeurs patriotiques.


Chez nos voisins français, les lois sur les établissements scolaires se succèdent, guidant le développement des établissements scolaires et leur uniformisation : Guizot (1832), César de Pompée (1871), loi Goblet (1885 et 1897). Lorsque l’instruction est devenue gratuite (1881), obligatoire (1882) et laïque (1886) sous Jules Ferry, les écoles reprennent toute une architecture austère et standardisée, où régnent l’ordre et la discipline. On y enseigne des programmes éducatifs stricts. Le plan intérieur est similaire à celui des écoles suisses avec des écoles-mairies ou casernes où des couloirs rectilignes ouvrent sur des salles de classe tout autour. Mazalto décrit ces architectures comme suit : “des volumes austères, une organisation autour des maîtres-mots ordre et discipline, écriture fonctionnaliste des théories rationalistes promues par Jules Ferry”.
C’est dans les années 1950 que l’on voit une réelle massification de la scolarisation ce qui oblige les pays occidentaux à agir vite et à moindres frais. Par exemple, en France, on construit “un collège par jour” entre 1966 et 1975, notamment suite à la réforme Berthoin qui prolonge l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans. Le scénario est toujours le même, la commande publique étant centralisée, les communes reçoivent une subvention, mais n’ont pas vraiment leur mot à dire. On assiste à une standardisation exacerbée et à une grande pauvreté architecturale. Il en va de même en Grande-Bretagne, quand la loi Butler de 1944 prévoit que tous les élèves doivent accéder à l’enseignement secondaire. Des milliers d’établissements sont ainsi construits.
Ecoles de plein air et santé publique
Au début du XXème siècle, il devient urgent d’agir contre les vagues de tuberculose et de mettre en place des mesures d’hygiène au sein des établissements scolaires.
En Suisse romande, la question du respect de règles d’hygiène au sein des architectures se pose dès le XIXè siècle. Pionnier en la matière, le Dr Louis Guillaume de Neuchâtel écrit “Hygiène scolaire” dès 1864 qui résonnera dans toute l’Europe.
Un véritable mouvement hygiéniste se met alors en place en Suisse, en parallèle d’ordonnances législatives, comme celle de Lucerne en 1891, et une série d’études :
- Adolphe Combe, en 1898, s’interroge sur les aspects techniques : vitrages, taille des pièces, éclairage, installations sanitaires… Il dresse ainsi un véritable état des lieux des différents cantons et en tire des statistiques.
- En 1910, André Schnetzler publie une analyse de l’hygiène scolaire, portant notamment sur les différents dispositifs techniques comme la ventilation, les systèmes de chauffage, l’entretien des WC…
- Adolphe Ferrière, en 1915, s’interroge sur les Écoles nouvelles, comme les écoles en plein air, les écoles de montagne, les internats de campagne. Il appuie son étude sur différents éléments comme les toitures, le sport, les solaria, le sommeil, l’environnement, les devoirs à la maison, le nombre d’élèves, le temps d’enseignement et de récréation…
Partout en Europe et aux Etats-Unis, on encourage la construction d’écoles de plein air. Ceci marque un tournant dans l’architecture et la pédagogie qui doivent s’accorder avec des innovations de santé publique. Pédagogues, médecins et architectes travaillent ensemble pour créer des espaces propices au bien-être, à la santé et à l’apprentissage de ces enfants fragiles, menacés de tuberculose ou souffrant de déficiences physiques ou mentales.

Les pionniers de ces écoles ouvertes sur la nature sont les pays nordiques et anglo-saxons.
Par exemple, les “croisées du plein air” américaines (ou Open Air Crusaders) préconisent des établissements ouverts avec une exposition au grand air. Si le bâtiment ne le permet pas, les parents exigent l’ouverture des fenêtres trois fois par jour.
En parallèle, on assiste en Allemagne à la création des “écoles de la forêt” ou Waldschule. Cette pédagogie allemande s’oppose aux écoles du savoir (Lernschule). On y prône un apprentissage actif, ce qui correspond au mouvement de l’école active (Arbeitsschule). Fondé en 1904, le modèle pédagogique des “écoles de forêts” repose sur une architecture sous forme d’écoles-pavillon, des bâtiments de plain-pied isolés au centre de grands espaces verts.

Si, au début des années 1920, ces écoles de plein air ne sont que de simples tentes, une véritable architecture d’écoles de plein-air se met peu à peu en place. Voici quelques exemples :
– Richard Neutra, Los Angeles, Etats-Unis, 1925,
– Lausanne, Suisse école de Vidi, 1925 : grand pavillon à colonnades pour l’école de plein air,
– Jan Duiker, Amsterdam, Pays-Bas, 1930,
– E. Beaudouin et M. Lods, Suresnes, France, 1935 : ouverte de parois vitrées sur 3 côtés qui s’ouvraient en accordéon pour travailler quasiment en plein-air.
– Hannes Meyer, Mümliswil, Suisse, 1939 : pour les enfants malingres et maladifs avec une cour ombragée en partie couverte, deux ailes qui se rejoignent sur des terrasses. Les principes éducatifs se basent sur une éducation familiale et coopérative.
Ces écoles s’appuient toutes sur les mêmes principes pour favoriser l’épanouissement physique et intellectuel des enfants :
- air frais,
- lumière naturelle,
- ouverture sur la nature.
Des écoles ouvertes et modulables
Entre les deux guerres mondiales, la mode des écoles pavillonnaires voit le jour en France. Elles adoptent une architecture sobre et fonctionnelle. Le but n’est plus de prôner l’ordre et la hiérarchie, mais une éducation démocratique. C’est Tony Garnier (1869-1948), architecte français qui développe le concept d’écoles pavillonnaires dès 1899. Ces petites écoles séparées permettent de créer une atmosphère familiale, confortable et sécurisée, propice à l’apprentissage et au bien-être des enfants.
L’idée est reprise en Suisse en 1908, par deux architectes de Berne, Joss et Klauser, qui proposent un projet de 10 pavillons disséminés dans un parc de la commune de Tavannes. Malheureusement, le projet n’est pas retenu, car la mode est encore aux écoles Heimatstil. Il faut attendre 1939 pour voir la première école pavillonnaire construite à Bâle au Bruderholz. Puis, ce type d’architecture scolaire devient très en vogue dès les années 1950 :
– Ecole de Trembley, Genève, 1950,
– Centre de vie enfantine de Valency, Lausanne, 1989, Rodolphe Luscher.
En Suisse, à la même époque, l’architecture moderne connaît un tournant historique avec Walter Gropius (1883-1969), fondateur du Bauhaus à Weimar en 1919. D’ailleurs, le premier congrès international d’architecture moderne se tient quelques années après, en 1929, à Sarraz en Suisse. Il est organisé par Le Corbusier qui condamne l’académisme et les créations monumentales.
Dans les années 1950, Alfred Roth se positionne comme un véritable visionnaire en proposant des écoles à aires ouvertes. Finies les estrades et les classes emprisonnées entre 4 murs, on ouvre désormais les espaces. Les seuls murs restants se couvrent de dessins d’enfants pour qu’ils s’approprient les lieux. On installe également des petits salons de lecture comme à la maison, avec des matelas et coussins au sol ou de petits fauteuils en osier. Enfin, on donne la place nécessaire à la cour de récréation.
Dans les années 1960, “les mouvements de la pédagogie différenciée et centrée sur l’élève” s’imposent dans les pays de l’OCDE (Organisation for Economic Co-operation and Development), en Angleterre et aux Etats-Unis, mais aussi en Australie et les Pays du Nord de l’Europe. On propose des écoles à plans variables ou écoles ouvertes. L’idée est de créer des zones dédiées aux différentes activités pédagogiques : lecture, sciences, arts, maths… tout en abattant les murs non-porteurs. Ce mouvement porte le nom d’Open Space School ou Open Education Classroms. Pour ce faire, on utilise des cloisons pliables et modulables ou des structures en plastiques gonflables afin de bénéficier d’un espace flexible qui s’adapte aux besoins pédagogiques : travail collaboratif ou individuel, activités calmes, …

Néanmoins, ces écoles ouvertes ne font pas l’unanimité. Très largement discutées en Suisse, les Etats-Unis et l’Angleterre reviennent à une architecture cloisonnée dès les années 1980, même si aujourd’hui la question des espaces modulables est au cœur des interrogations sur l’architecture scolaire.
A contrario, en France, l’ouvrage “Surveiller et punir” de Michel Foucault, publié en 1975, fait grand bruit en dénonçant l’architecture scolaire figée, similaire aux prisons et casernes.
Des architectures en support des pédagogies
Dès le XIXème siècle, on voit progressivement des expériences qui tentent de faire évoluer l’établissement scolaire.
Au fur et à mesure, des personnalités s’interrogent sur la manière d’adapter les établissements scolaires à la psychologie enfantine. Apparaît ainsi un mouvement d’écoles nouvelles, toujours d’actualité, grâce à des pédagogues comme John Dewey (1859-1952), Maria Montessori (1870-1953) ou encore Roger Cousinet (1881-1973).
Ces idées novatrices deviennent plus populaires après la Première Guerre Mondiale. De plus en plus, on place l’expérience de l’enfant au centre de l’apprentissage. Edouard Claparède (1873-1940), un Suisse, déclare, à cette époque, que “la pédagogie doit partir de l’enfant”.
Avec sa Malting House School à Cambridge (Royaume-Uni), en 1924, Susan Sutherland-Isaacs (1885-1948) va encore plus loin en proposant un véritable laboratoire des nouvelles pratiques pédagogiques. L’enseignement n’est pas figé ou formel et l’école s’ouvre sur les espaces extérieurs. Tout est fait pour être à la hauteur des enfants afin qu’ils expérimentent et se questionnent.
En 1963, s’ouvre la première pré-école municipale Reggio Emilia, fondatrice de la pédagogie du même nom. L’enfant est placé au centre de la pédagogie, il devient acteur de son propre développement. Pour les aider à se construire, on alloue différents espaces aux enfants dans la ville afin qu’ils puissent explorer, créer et expérimenter. A l’école, on met à disposition des enfants tout ce qui semble les intéresser, comme une cuisine. Ainsi, on leur laisse la possibilité de regarder les cuisiniers préparer les repas et leur poser des questions sur des recettes ou la provenance des aliments. En ce qui concerne la répartition des espaces, on prône des espaces à tailles variables au sein du bâtiment pour que les enfants puissent interagir en plus ou moins petits groupes. Cette approche fait encore de nombreux adeptes dans le monde entier.
Les méthodes pédagogiques sont en constante évolution, et les besoins éducatifs actuels diffèrent de ceux d’autrefois. Par conséquent, l’espace scolaire doit être flexible pour s’adapter à la taille des groupes d’élèves et aux nouvelles approches pédagogiques. Lors de la construction d’une école, il est essentiel de prendre en compte ces évolutions et de chercher à les accompagner de manière proactive.
A l’ère des nouvelles technologies, l’architecture scolaire doit de nouveau s’adapter. On parle désormais “d’espaces d’apprentissage” qui visent à intégrer les ressources électroniques de façon pédagogique. Désormais, la réflexion pour repenser les espaces scolaires repose sur la coordination entre architecture et technologie.

Si les espaces doivent évoluer pour supporter les évolutions pédagogiques, en parallèle, repenser les espaces contribue à l’évolution des pratiques. Les enseignants et les élèves voient constamment changer leur façon d’enseigner ou d’apprendre. De plus en plus, on doit accorder plus de place aux interactions sociales, à la participation et à l’approche expérimentale. Comme le dit Oblinger, dans son ouvrage “Learning Spaces” de 2006, plus que rénover l’architecture scolaire, il convient de « reconceptualiser les espaces d’apprentissage ». On doit adopter une approche holistique de l’apprentissage, envisageant une conception cohérente “espaces-activités”.
Influence de l’architecture sur l’apprentissage
Dans les pays occidentaux, la prise de conscience de l’importance de l’éducation de la petite enfance prend la forme d’un activisme social et d’efforts philanthropiques et religieux, dont les bénéficiaires sont des familles défavorisées.
Certains Européens ont fait évoluer la pédagogie comme les Italiens Malaguzzi et Montessori, le Suisse Pestalozzi ou encore l’Allemand Fröbel. Tous s’accordent à dire que l’environnement a des effets sur l’apprentissage des enfants : matériaux, lumière, couleurs, agencement des espaces…
D’ailleurs de nombreuses études sur le sujet prouvent l’impact du milieu bâti sur les comportements, l’engagement, la productivité, l’attention, la créativité, la réussite, mais aussi sur la santé et le bien-être physique et mental (cf. architecture thérapeutique).
Comme le dit Maurice Mazalto, “l’architecture n’est jamais neutre”. Les établissements scolaires doivent refléter les partis-pris éducatifs. Quand on conçoit des espaces sereins et propices à l’étude et à la vie collective, les élèves ont une attitude et des performances différentes. Il est donc temps d’en finir avec les salles de classe bruyantes et sinistres desquelles les élèves n’ont qu’une hâte : s’en aller. Dans ces établissements, même les élèves les plus volontaires et les professeurs ne trouvent pas toujours d’espaces adaptés pour s’isoler pour travailler. Chaque lieu doit répondre à une fonctionnalité et correspondre à une posture mentale requise.
Dans “De l’architecture scolaire aux espaces d’apprentissage : au bonheur d’apprendre ?” de 2012, Marie Musset, Inspectrice d’Académie et auteure de nombreux dossiers d’actualité au sujet de l’architecture scolaire, dit que « la salle de classe “relique de la Révolution industrielle” standardisée, normalisée et centrée sur la parole du maître, pourrait être un modèle obsolète ? […] Le règne de la salle de classe comme module de base de l’école est pourtant légitimement remis en cause parce que l’on a : – admis que l’enseignement n’est plus frontal mais multimodal. – appris que l’enseignement n’est plus linéaire mais holistique. […] Il s’agit désormais d’une unité de vie qui doit pouvoir évoluer en fonction des pratiques pédagogiques ».
Dans les années 1950, Alfred Roth conforte l’idée d’un lien fort entre le projet architectural et la pédagogie et tire les conclusions suivantes :
- les enfants doivent devenir acteurs/sujets de leur propre éducation,
- l’espace doit être à leur taille pour leur permettre d’explorer et d’expérimenter,
- les espaces flexibles garantissent la pratique d’activités variées dans des conditions d’apprentissage différentes,
- l’architecture doit également pouvoir être modulable pour répondre aux évolutions pédagogiques (et aux réformes),
- l’école doit s’harmoniser avec la nature.
La pédagogie de Reggio Emilia a mis en avant le principe du “troisième professeur”, ce qui fut le précurseur du futur mouvement “Third Teacher”. Ces mouvements considèrent que l’environnement, notamment l’architecture, est le troisième éducateur/professeur après les parents et les enseignants. La pédagogie de Reggio Emilia, par le psychologue italien Malaguzzi, s’appuie sur les pédagogies de certains prédécesseurs comme Maria Montessori et Friedrich Fröbel desquelles elle retient 5 principes fondamentaux, appelés aussi les “cent langages” :
- Multiplier les sources de connaissance grâce à nos 5 sens.
- Enseigner en créant des liens et non uniquement en communiquant des informations, d’où la nécessité que les enfants apprennent d’eux-mêmes par l’expérimentation.
- Admettre que les émotions font partie intégrante du processus d’apprentissage. L’imagination permet ainsi de lier technique et émotion.
- Chacun possède son propre processus d’apprentissage. Il convient donc de respecter le rythme de chaque élève.
- L’écoute et les relations sont indispensables à l’apprentissage.
L’architecture peut influer sur ces points et de manière générale sur l’humeur et le comportement des élèves et des enseignants. Voici pourquoi il convient de comprendre les effets de l’architecture sur la réussite des élèves afin de concevoir une architecture scolaire appropriée.
Au jour d’aujourd’hui, de nombreuses initiatives d’architecture scolaire se basent encore sur le mouvement Third Teacher pour penser ou repenser le parc bâti, mais aussi son aménagement intérieur.
L’étude The Head Project par l’Université Salford de 2015 s’intéresse également à la corrélation entre l’architecture des établissements destinés à l’enseignement primaire et les résultats des élèves. Selon la qualité de bâti, il semble que la progression des élèves en écriture, mathématiques ou lecture ne soit pas la même. Ainsi, une architecture scolaire propice (lumière, matériaux, orientation, sonorisation, vue sur l’extérieur, odeurs, rangement…) ferait augmenter jusqu’à 16% les performances scolaires des élèves en seulement une année.
L’architecture scolaire favorise “l’effet établissement” issu du courant de recherches sur l’école efficace (school effectiveness studies). L’espace devient sujet d’éducation et de réussite scolaire, tout comme l’organisation, la gestion, les relations humaines.
Caractéristiques des architectures propices à l’apprentissage, à la socialisation et au bien-être
Sachez qu’il est tout à fait possible de concevoir une architecture scolaire propre aux enjeux éducatifs et environnementaux.
Pour cela, il convient de définir les besoins des enfants. Dans “Aménager l’école, la cour, les espaces intérieurs”, Dominique Berteloot en identifie 7 principaux :
- risque : expérimenter des situations nouvelles,
- sécurité : être et se sentir protégé par son environnement et son entourage,
- échange : interagir pour se construire, se différencier, coopérer,
- isolement : être seul pour se détendre, observer, s’évader,
- réel : s’approprier le concret et le quotidien pour les comprendre,
- imaginaire : créer, découvrir et explorer,
- physiologiques : repos, alimentation, hydratation…
L’architecture scolaire doit ainsi répondre à ces différents besoins afin de favoriser l’apprentissage et le bien-être des élèves. L’enfant doit notamment devenir acteur et être constamment stimulé.
Dans “The language of school design : design pattern for 21st century schools”, de 2005, Nair et Fielding créent un vocabulaire commun pour les architectures scolaires et définissent 25 caractéristiques pour enrichir l’expérience humaine à l’école :
- Lieux d’apprentissage : classe, laboratoire d’apprentissage…
- Hall d’accueil,
- Lieu d’affichage pour les élèves,
- Base d’accueil et stockage individuel,
- Lieux de développement des compétences quotidiennes, des arts et des sciences,
- Art, musique et performance,
- Éducation physique et sportive,
- Zones de restauration décontractées,
- Transparence,
- Vues intérieures et extérieures,
- Technologies dispersées,
- Connexions intérieures/extérieures,
- Sièges moelleux et confortables,
- Espaces flexibles,
- Espace feu de camp,
- Points d’eau,
- Cave,
- Conception pour les intelligences multiples,
- Lumière du jour,
- Ventilation naturelle,
- Éclairage à spectre complet,
- Éléments durables et école en tant que livre en 3D,
- Signature locale,
- Connecté à la communauté,
- Mise en commun de tout.

À la fois fonctionnelle et esthétique, l’architecture scolaire doit favoriser les apprentissages, les échanges et le bien-être, car l’école occupe une grande partie de notre vie à une étape charnière. L’école ne doit donc plus seulement être une institution pédagogique, mais devenir un véritable lieu de vie, indispensable à l’enrichissement des enfants.
Le bien-être des enfants et des enseignants
Pour bien enseigner et apprendre, les enseignants et les élèves doivent se sentir bien dans l’établissement scolaire, où ils passent une grande partie de leur journée. Il convient de proposer un climat scolaire propice pour les élèves, mais aussi pour les équipes pédagogiques. Prêter attention à la qualité des relations humaines, de l’organisation et des espaces de vie agit positivement sur le climat scolaire, ce qui permet de limiter les risques de crises. En France, 10% des enseignants pensent que le climat scolaire est médiocre. C’est en école maternelle ou en zone rurale que l’atmosphère est jugée la plus positive.
Améliorer le confort des lieux d’apprentissage passe par :
- l’insonorisation,
- les couleurs,
- la lumière,
- l’aération,
- l’accès à la nature,
- la création d’espaces conviviaux avec un mobilier confortable,
- la création d’espaces collectifs et de zones d’isolement,
- l’accès aux ressources, dont numériques.
Selon l’OCDE, « la qualité du bâtiment scolaire : sa plus ou moins grande vétusté, sa propreté, la taille et la luminosité des classes, le système de chauffage, l’état des parties communes (murs, escaliers, toilettes, réfectoire…) ont une incidence sur le moral des enseignants et des élèves et donc sur le climat scolaire. On pensera bien sûr aussi au niveau sonore des bâtiments, facteur majeur de stress ».
Place de la nature
Dans son enquête sur l’école du futur de 2010, «L’environnement physique peut-il avoir un impact sur l’environnement pédagogique ?», l’OCDE montre que les enfants aspirent à une école-jardin où la nature et les animaux prennent une place importante.
Déjà dans le passé, nous avons pu voir des courants pédagogiques prônant l’importance de la nature comme les écoles de plein-air du début du XXème siècle destinées aux enfants fragiles (menacés de tuberculose) et les écoles pavillonnaires dans les années 1950. Lorsque les maîtres s’allient au pouvoir de la nature et des animaux, les enfants s’épanouissent, restent en bonne santé et progressent davantage. À cette époque, on allège aussi les heures de cours pour privilégier le repos.
L’école de Suresnes (France, 1935), aujourd’hui classée monument historique, reste un exemple incontournable d’alliance entre école et nature.
En plus de contribuer au bien-être physique et mental des élèves, la nature favorise l’apprentissage du réel : le temps, les saisons, la météo, les plantes, les animaux… La notion de temps peut paraître totalement abstraite aux enfants. Dans ce cas, la nature se présente comme un outil pédagogique fabuleux qui permet d’apprendre de façon plus ludique et rapide que dans les livres. C’est ce qu’a bien compris l’Ecole North Kildare à Celbridge en Irlande où chaque salle de classe dispose de son propre jardin dans lequel il est possible de faire un potager.
Le potager permet aux enfants d’expérimenter l’abondance de la terre. En plus de sa valeur pédagogique, il s’agit aussi d’un moyen d’apaiser les tensions et de se relaxer en renforçant le sentiment de bien-être et de sécurité des élèves.
Plusieurs pays d’Europe du Nord ont pris des mesures significatives pour intégrer l’apprentissage en plein air dans leur système éducatif. D’ailleurs dans les pays nordiques, un vieil adage dit « Il n’y a pas de mauvais temps, il n’y a que de mauvais habits ».
En Finlande, les projets d’architecture scolaire associent généralement un architecte, un architecte d’intérieur et un architecte-paysagiste, conscient de l’importance de l’espace vert pour l’éducation.
Le Danemark a aménagé environ 700 écoles en pleine nature, représentant ainsi 20 % de toutes les classes maternelles du pays.
En Allemagne, un record de 2 000 écoles a été établi en forêt (Waldschule).
En Écosse, dès 2010, l’apprentissage en extérieur a été intégré dans les programmes éducatifs destinés aux enfants âgés de 3 à 18 ans.
Ces initiatives témoignent d’une reconnaissance croissante de l’importance des environnements naturels pour le développement et l’éducation des jeunes générations.
Malheureusement, dans d’autres pays comme la France, la cours de récréation est trop souvent complètement bitumée. Certains pensent encore que quand on repousse la nature, on aseptise et sécurise l’espace. Par exemple, Amélia Tavella, régulièrement primée et récemment nommée au grade de chevalier de l’ordre national du Mérite, architecte de l’école A Strega à Santa–Maria-Siché dans sa Corse natale, raconte l’anecdote d’un chêne centenaire abattu à la demande des parents qui craignaient que leurs enfants n’en mangent les glands.
En bref, on ne veut pas d’enfants “sous cellophane” !
Les plus beaux exemples d’ouverture de l’architecture scolaire à la nature
À proximité d’Hanoi au Vietnam, une école centrée sur la nature a été créée, l’Ecokid Kindegarten. Les bâtiments de 3 niveaux sont de forme semi-circulaire et communiquent grâce à des ponts. L’idée est de créer un environnement éducatif propice à la découverte, à la curiosité et à l’interaction avec la nature pour promouvoir le développement holistique des enfants. L’ensemble architectural est en parfaite harmonie avec la nature.
À l’école maternelle Buffon à Thiais, en France, un parent d’élève s’exprime ainsi : “L’école de notre fils n’était pas bien belle et très bétonnée. Maintenant, c’est autre chose. Il veut la montrer à tous nos amis. Je pense que j’aurais rêvé d’apprendre dans un tel endroit : on se croirait dans la nature. L’école semble flotter, portée par les arbres. Les façades évoquent des branchages. La partie en cuivre qui nous surprenait au début est devenue verte et se fond dans le paysage. Immobile en apparence, cette école semble vivante, mouvante. Je ne vous cache pas que nous étions un peu inquiets au début. Les enfants l’ont tout de suite adoptée et maintenant, elle nous semble la plus belle de toutes”.
En Corse, à l’école A Strega de Santa-Maria-Siché, l’architecte Amélia Tavella propose un projet qui s’intègre parfaitement au milieu des collines environnantes avec un bâtiment en matériaux naturels, le bois et la pierre.
Enfin, comment terminer sans parler de la Greenschool à Bali en Indonésie, logée au milieu des rizières et à proximité de la forêt tropicale. En plus d’être immergée dans un écrin de verdure, l’école répond à tous les critères de développement durable avec sa construction et son mobilier fait à partir de bambou local. Complètement autonome sur le plan énergétique, l’électricité provient des panneaux solaires. De plus, ici, on n’y mange que des aliments produits localement.
Place de la lumière, des couleurs et des matériaux
Tout comme la nature, la lumière, les couleurs et les matériaux affectent l’apprentissage, le comportement, les performances et le bien-être des élèves.
En effet, une bonne exposition influence positivement le moral. La lumière naturelle est indispensable pour favoriser l’attention et la concentration des enfants. Ainsi, une architecture propice à la réussite scolaire doit proposer de grandes fenêtres de préférence avec une vue sur des espaces verts.
Mais les couleurs, les sons et les matières ont aussi un impact sur la réussite scolaire. En somme, tout ce qui touche aux sens. Ces différents éléments provoquent des expériences sensorielles, ce qui éveille les 5 sens des enfants, les stimule, les émerveille et attise leur curiosité et leur créativité.
Concernant la couleur, une palette chromatique aux tonalités trop variées ou vives a tendance à sur-stimuler les élèves, ce qui nuit à leur concentration et attention. Au contraire, des murs blancs sous-stimulent les enfants. En effet, des études scientifiques montrent que les couleurs agissent sur notre pression sanguine.
Il faut donc trouver l’équilibre pour créer des espaces gais et stimulants propices au bien-être et à l’apprentissage. Vous pouvez, par exemple, apporter un accent vitaminé grâce à des couleurs pâles sur les murs et une mise en relief avec une couleur plus vive sur un mur, sur le sol ou le mobilier. Vous pouvez aussi opter pour des couleurs issues de la nature, confortables et relaxantes.
Les couleurs et les matériaux éduquent le regard. Quand les enfants évoluent dans une architecture qu’ils trouvent belle, ils sont stimulés et gardent un souvenir positif de l’établissement.
Enfin, la qualité sonore et la nuance des sons sont importantes pour que les élèves développent une bonne ouïe, mais aussi pour respecter des zones de calme.
Quelques exemples
Magnifique exemple d’ouverture sur la nature à l’école maternelle Asilo Sant’elia, construite entre 1935-1937, par Giuseppe Terragni dans un quartier populaire de Côme, en Italie. Grâce à de gigantesques baies vitrées, les salles de classe baignent dans la lumière.

À la nouvelle crèche Guastalla en Italie, l’architecte Mario Cucinella propose un “espace pensé” qui provoque des actions, des émotions, des interprétations… L’accès à la crèche rappelle étrangement le ventre de la baleine de Pinocchio. L’espace est accueillant et chaleureux avec son plafond ondulé en bois et ses grandes baies vitrées. Dans cette architecture mêlant courbes et angles, les enfants jouent, expérimentent et développent leur esprit créatif. Leurs sens sont stimulés par les formes, les couleurs, les odeurs, les sons tamisés…
À l’école Sans-Frontières de Saint-Jérôme au Québec, Canada, les architectes proposent un bâtiment éco-responsable implanté sur un terrain accidenté. Le bois y est largement utilisé, la lumière est généreuse et les couleurs se veulent ludiques.
Copyright : ©Stéphane Brügger, http://www.stephanebrugger.com
Un élève de l’école des Castors à Septèmes-les-Vallons en France témoigne comme suit à propos de son école : “Dans le quartier où est mon école, il y a beaucoup de hangars et de grands bâtiments en métal. Mon école leur ressemble un peu, mais elle est beaucoup mieux. Une fois à l’intérieur, on oublie tous ces hangars. Notre classe est comme une cabane, tout en bois, avec beaucoup de lumière. Elle est très grande avec son toit pointu et ressemble vraiment aux maisons que je dessine. On s’y sent bien. En plus, on a de la place pour suspendre nos travaux aux murs ou au plafond.”
Enfin, l’architecte du groupe VBMarchitecten s’exprime ainsi sur son projet d’école BSBO à Saint-Truiden, en Belgique : “Ce bâtiment sobre et simple dans son architecture remplace d’anciennes constructions inadaptées. Les couleurs à l’intérieur aident à se repérer facilement, à reconnaître sa classe. La lumière des fenêtres à différentes hauteurs vient animer le couloir et les salles. À l’intérieur, le bois donne un aspect chaleureux. À l’extérieur, il permet de dialoguer avec le parc et se fond dans le paysage. Il se patinera en vieillissant et son aspect évoluera au fil du temps.”

Le jeu comme fil conducteur
Comme Piaget et d’autres ont pu l’écrire, l’exploration et le jeu jouent un rôle essentiel chez les jeunes enfants. Cela facilite leur compréhension du monde et du quotidien. Les enfants doivent devenir acteur de leur apprentissage.
D’ailleurs, rappelons que la présence d’un espace récréatif est obligatoire dans toutes les écoles comme le définit le principe 7 de la Déclaration des Droits de l’Enfant : « l’enfant doit avoir toutes les possibilités de se livrer à des jeux et des activités récréatives qui doivent être orientés vers les fins visées par l’éducation […] ».
La cour de récréation est donc un élément indispensable, un lieu où les enfants peuvent circuler librement en plein air lors des pauses. Il s’agit d’un lieu de jeu, de détente, mais aussi de pédagogie.
Pendant longtemps, on pensait qu’il valait mieux une grande cour vide et bitumée pour des questions de sécurité. Or, de récentes études prouvent que le nombre d’accidents régresse dans les cours de récréation aménagées. Non propice aux expériences, une cour vide ne laisse place qu’à l’affrontement et aux rixes. Les grands garçons s’accaparent l’espace pour les jeux de ballon ou de poursuite, alors que les filles et les petits ne trouvent pas leur place. En effet, les enfants ne sont pas tous égaux dans la cour de récréation qui est à l’image de notre société et de nos différences culturelles. Maurice Mazalto constate qu’en France, la cour de récréation est utilisée à 95% par les garçons qui jouent au foot et seulement à 5% par les filles. Elles n’ont pas d’espaces propres pour leurs activités. Il faut donc leur octroyer des espaces.

Par exemple, une cour aménagée avec des espaces verts, des arbres, des marelles, des bacs à sable, des bancs permet de définir des espaces d’activités différents et de donner des repères fixes aux élèves pour éviter la traditionnelle mainmise des grands sur l’espace central.
Si l’aménagement des espaces ne suffit pas toujours à renverser la tendance, dans certaines écoles finlandaises, on donne des cours de cuisine aux garçons et on apprend à planter un clou aux filles.


De manière générale, les enfants ont besoin de créer, d’imaginer, de construire, d’inventer pour mieux se connaître, apprendre la vie sociale, appréhender le monde qui les entoure… C’est pourquoi le jeu est essentiel et doit devenir le fil conducteur de nos établissements scolaires. En plus de développer les facultés cognitives, le jeu développe la motricité. Il ne doit pas seulement être relégué dans la cour de récréation, et peut dans les écoles maternelles et primaires s’immiscer à l’intérieur.
N’oublions pas que l’étymologie du mot “école” vient du latin “schola” qui signifie “loisir studieux” et que le mot est lui-même issu du grec «σχολή skholế» dont la signification est “détente, expérience et apprentissage de la vie, invention, créativité”.
Quelques exemples à piquer aux pays asiatiques
À l’Avenue Green International Kindergarten de Shangai, en Chine, le cabinet Elto Consultancy propose une école maternelle ressemblant à un vaste terrain de jeu de 6 100 m2. Ici, les apprentissages se basent essentiellement sur le jeu et la créativité. Le jeu favorise les interactions et les expériences. On y trouve des projections murales de dessins animés dans la zone d’attente des parents, une grande zone de loisirs, des filets d’escalade dans la mezzanine, des petites cabanes… Les designers du projet affirment : “Nous croyons que lorsque les êtres humains interagissent dans un environnement créatif, cela les aidera à cultiver leur intelligence émotionnelle pour mieux grandir ensemble”. Cette architecture souligne également l’importance des espaces, des formes, des couleurs, des matières sur le développement cognitif de l’enfant.
Au Japon, cette fois, l’école Fuji Youchien de Tokyo de Tezuka Architects prend la forme d’un ovale géant. La cour sur le toit devient une piste de course, les arbres s’intègrent dans l’architecture et sont présents dans certains couloirs et salles de classe. Les enfants peuvent y grimper grâce à des filets et se déplacer d’une salle à l’autre grâce à des toboggans. On les laisse jouer avec de l’eau et de la boue. C’est en prenant des risques et en expérimentant que les enfants apprennent le mieux. L’école ménage des zones où l’on peut crier et se défouler et des zones de calme où l’on peut s’isoler du bruit. L’espace, flexible et modulable, ne comporte pas de cloisons, et l’agencement repose sur des petites divisions amovibles, des meubles didactiques, des blocs…
Directeur artistique : Kashiwa Sato
Crédit Photo @Akiko Arai

Arbre parfaitement intégré dans l’ensemble en résolvant les problématiques d’étanchéité et de sécurité. Comme quoi avec de l’inventivité, tout est possble !
Comme à la maison
L’architecture scolaire doit être synonyme de bien-être pour les étudiants et les enseignants qui doivent s’y sentir comme “à la maison”, puisqu’elle constitue à proprement parler une seconde maison pour eux. En effet, certains d’entre eux peuvent y passer jusqu’à 10 heures par jour, c’est pourquoi le confort y est primordial.
La nature, les couleurs, la lumière naturelle, les matériaux peuvent y contribuer, mais on peut aussi provoquer ce sentiment grâce à l’agencement des espaces ou le mobilier.
Ainsi, il convient de proposer des zones d’accueil et des zones collectives conviviales. Par exemple, on peut placer dans le hall d’accueil des poufs ou des fauteuils. Mazalto dénonce ce que l’on retrouve trop souvent dans nos écoles : “Il semble que les adultes se donnent bonne conscience en installant un baby-foot, quelques tables et des chaises, un distributeur de boissons dans une salle sans âme ; il en faut davantage pour créer un lieu convivial, pour permettre aux jeunes de s’approprier et d’apprécier un véritable foyer.”
Les écoles nordiques, elles, n’hésitent pas à agrémenter leur hall d’accueil d’une cheminée qui apporte confort, chaleur et convivialité à l’espace, sans que cela semble poser des problèmes de sécurité. Toujours, dans les écoles nordiques, il n’est pas rare d’enlever ses chaussures à l’entrée de l’école, dans laquelle on se déplace en chausson.
Dans les pays anglo-saxons, cette fois-ci, on voit se développer des « nurture groups » (environ un millier de groupes à l’école primaire, une centaine à l’école secondaire en Grande-Bretagne) depuis une quarantaine d’années. Ceci consiste à concevoir les architectures scolaires dans un style intermédiaire entre une école traditionnelle et une maison : mobiliers, échelles/dimensions, surfaces.
De son côté, l’architecte allemand Hans Scharoun qualifie “d’appartement scolaire” la salle de classe qui, selon lui, doit comporter 4 éléments : un hall d’entrée avec un vestiaire, une salle principale, une salle de travaux en groupe et une cour-jardin. L’ensemble des pièces intérieures doit mesurer environ 80 m2 au sol.
De manière générale, les dimensions et l’aménagement comptent pour se sentir à l’aise, faciliter la transition de l’enfant entre la maison et l’établissement scolaire et éviter le sentiment de rupture. C’est pourquoi un espace scolaire adapté adoptera une échelle intermédiaire avec un aménagement proche de celui d’un espace domestique et familial avec une cuisine, des rideaux aux fenêtres, des fauteuils et canapés…
D’ailleurs, lors d’un projet architectural en Finlande, les enseignants, systématiquement consultés, jugent nécessaire que l’école ait une échelle comparable à celle de la maison, d’où le concept des “Small Learning Communities” (SLCs ou petites communautés d’apprentissage). L’apprentissage au sein de groupes réduits favorise la réussite scolaire, car il facilite les échanges intellectuels et les interactions sociales.
Quelques exemples…
À l’école primaire d’Amos, en République Tchèque, les architectes de SOA ont conçu l’école telle une maison. Avec sa cantine au centre, l’établissement n’est pas sans rappeler le vieil adage « la cuisine est au cœur de la maison. ». De plus, l’école devient un véritable lieu de socialisation grâce à sa défonctionnalisation. Après les heures de cours, elle peut se transformer en auditorium pour des événements. L’espace s’organise autour de grappes d’apprentissage avec deux ou trois salles, toutes ouvertes sur l’extérieur. Chacune de ces grappes porte ses propres couleurs.
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Un élève de l’école protestante secondaire de Gelsenkirchen, en Allemagne, décrit ainsi son établissement scolaire : “Quand je vais à l’école, je n’ai pas la sensation d’entrer dans une institution imposante ni fermée. Ici, on a l’impression d’être dans un village. Les salles de classe sont des petits pavillons tous différents, comme des maisons. Il y a une rue centrale, une place. C’est un vrai quartier. Ce n’est pas intimidant et plutôt sympathique. C’est un peu un second chez-nous… Les parents, les enseignants, les élèves et les voisins, nous avons tous participé à la conception de l’école. C’est peut-être pour cela que tout le monde l’apprécie et la respecte”.
À taille enfant
Pour favoriser l’apprentissage des enfants, ils doivent en devenir les protagonistes.
L’aménagement des espaces à la taille des enfants privilégie l’exploration, le jeu, l’expérimentation, l’apprentissage. Les élèves doivent être en mesure d’accéder librement à tous les éléments du mobilier, au matériel pédagogique et aux jeux pour développer leur autonomie.
Depuis une cinquantaine d’années, on aménage les classes avec des tables et des chaises à la taille des élèves.
En effet, les commerçants proposent désormais du mobilier scolaire à des hauteurs selon l’âge de l’enfant :
- de 5 à 7 ans : la table est à 52 cm et la chaise à 30 cm,
- de 7 à 9 ans : la table est à 58 cm de haut et la chaise à 34 cm,
- et de 9 à 11 ans : la hauteur de la table est de 70 cm et la chaise à 42 cm…
Néanmoins, si le mobilier évolue, il est encore rare de voir le bâti adapté à la taille des enfants : les interrupteurs, les poignées de porte, les fenêtres, les rampes d’escalier, la signalétique y sont souvent trop hauts, à portée d’yeux ou de main des adultes. Pourtant, ceci permettrait aux enfants de conquérir plus rapidement une autonomie motrice.
À titre d’exemple, l’école maternelle et son espace de jeu sur le toit de l’Unité d’Habitation de Marseille, en France, construits sur le principe du Modulor par Le Corbusier, placent tout à la portée des enfants. Sur le toit-terrasse, tous les éléments se rencontrent : le ciel, la mer, les montagnes et le soleil. L’endroit est propice à la créativité et dispose de sa propre salle d’art.

À l’Unité d’Habitation de Firminy, dans le département de la Loire en France, Le Corbusier reprend aussi le principe de Modulor. Inventé par l’architecte, ce système de mesure se base sur la taille humaine. En créant cette échelle et en l’appliquant aux espaces et au mobilier, Le Corbusier crée des espaces plus fonctionnels et adaptés aux usagers. Dans l’ensemble de ce projet, la lumière joue un rôle prépondérant. C’est pourquoi toutes les salles de classe sont orientées de façon à favoriser au maximum la pénétration de la lumière naturelle tout au long de la journée.
©F. Laborde : https://ritournelle.over-blog.com/2014/07/le-corbusier-a-firminy-2-l-unite-d-habitation-l-ecole.html
Accessibilité et flux
L’accessibilité et la circulation interne des élèves doivent être questionnées dès le début du projet architectural.
En garantissant une bonne gestion des flux, on évite des problèmes de sécurité et on maintient une certaine harmonie au sein de l’établissement. Les flux sont comme la respiration du bâtiment. Ainsi, il convient de garantir une respiration fluide et sans encombre afin d’éviter un chaos généralisé.
Si, dans la plupart des écoles traditionnelles du XIXème et XXème siècles, le schéma est standardisé avec un couloir rectiligne qui dessert plusieurs salles de classes rectangulaires en enfilade, un autre modèle semble plus approprié. Bien que plus simple à construire, le modèle du grand couloir rectiligne ne facilite pas le mouvement : des élèves de classes différentes se croisent, certains stationnent pour discuter ou attendent pour rentrer en classe, ce qui provoque rapidement des embouteillages, du chahut, des bousculades, du stress et de l’agressivité. Le second modèle repose sur un plan qui s’organise autour d’un espace central, le cœur du bâtiment. Ce cœur devient le nœud central, le carrefour des déplacements, on y passe quand on arrive ou part de l’établissement, quand on se rend en cours, à la cantine ou en récréation… Ce cœur devient un centre social commun qui dessert les différents espaces de vie qui gravitent autour.
Dans “l’Architecture et son rôle éducatif” de 1979, Christian Leclerq dit : “L’architecte doit […] trouver la concordance harmonique entre les différentes parties de la construction. La même «note» doit partout y résonner en formant un corps doué de métamorphose dans lequel tous les éléments se répondent et s’enchaînent à l’instar d’un squelette dont les os forment un assemblage métamorphique, tout en répondant à un ensemble de fonctions organiques bien précises. En conférant à l’école un corps de ce type, l’architecture doit essayer de penser non pas «forme» mais «mouvement»… La recherche de l’harmonie qui lie les formes les unes aux autres nous amène à considérer ce qui lie les différentes parties de l’école entre elles, qui en font, malgré sa diversité, une unité.”
En somme, la fluidité des mouvements garantit la sécurité, mais aussi le bien-être des élèves et des équipes professionnelles.
Flexibilité et réversibilité
Nair et Fielding dans “Design Patterns for 21st Century Schools” expliquent ainsi le modèle idéal à atteindre pour les architectures scolaires : « Nous recherchons un modèle qui permette à différents élèves d’âge varié d’apprendre différentes choses de la part de différentes personnes dans des endroits différents, de différentes façons et à différents moments ».
L’établissement scolaire est un lieu d’apprentissage qui accompagne les élèves tout au long de leur croissance. C’est un lieu qu’ils traversent dans le temps, comme le feront aussi d’autres générations d’enfants. L’architecture doit donc refléter le mouvement, la mutation, la transformation.
Si la durée de vie des architectures scolaires est plutôt longue, les méthodes pédagogiques évoluent rapidement et les réformes éducatives sont fréquentes. Ces espaces doivent donc pouvoir s’adapter au fur et à mesure et accompagner différentes façons de travailler : seul ou en groupe, changements d’équipes, évolution des pratiques et des projets éducatifs, modulation des effectifs d’élèves.
En somme, l’architecture scolaire moderne est flexible, modulable et réversible comme un corps vivant. Par réversibilité, on entend la possibilité de changer la fonction d’un espace sans avoir à engager de travaux. En restant souples, flexibles et modulables, les établissements scolaires garantissent la pratique d’activités très variées au sein d’un même espace.
Déjà au début du XXème siècle, notre célèbre psychologue de l’enfance neuchâtelois, Jean Piaget, proposait des salles de classe avec des recoins qui permettaient la pratique de différentes activités en son sein : lecture, arts plastiques, travaux en groupe, travaux individuels, expériences. Pour ce faire, les salles de classe ne peuvent plus se cantonner à leur forme rectangulaire traditionnelle.

En effet, la forme ainsi que la taille d’une salle de classe permettent ou, au contraire, empêchent les déplacements, les travaux en groupe, le mouvement du mobilier. Désormais, les salles de classe standardisées ne devraient être qu’un sombre souvenir, comme nous rappelle ces anciennes salles de classe prévues pour 25 élèves, occupées aujourd’hui par une trentaine d’entre eux. Conçues comme de véritables unités de vie, les salles de classe doivent pouvoir évoluer au fil du temps et au gré des pratiques pédagogiques.
Il semble indispensable pour les enseignants de disposer d’espaces de rencontre avec le reste de l’équipe pédagogique et des lieux d’intimité, de calme avec un bureau pour travailler entre les heures de cours. De manière générale, les équipes pédagogiques et techniques sont souvent laissées pour compte.
Au moment de la construction d’un nouvel établissement scolaire, il faudrait prévoir des espaces supplémentaires disponibles autour du bâtiment et agencer l’établissement de manière à recevoir de potentielles extensions pour l’accueil de nouvelles activités et/ou de nouveaux élèves. Même après un quelconque agrandissement, l’espace doit conserver sa lisibilité et sa fluidité. Il faut anticiper dès les prémisses afin d’éviter les projets d’extension d’ampleur et coûteux en cas de nécessité dans le futur. À ce titre, les cloisons amovibles permettent de moduler les espaces et la taille des salles à moindre coût.
En Finlande, de nombreuses écoles ont été rénovées depuis les années 2000 afin de proposer un espace scolaire lumineux et modulable. Ces architectures polyvalentes permettent d’accueillir d’autres activités que les activités scolaires classiques, mais aussi de favoriser les interactions sociales entre les élèves de tous les niveaux, de la primaire au collège.
Quelques exemples d’établissements scolaires flexibles et modulables
À l’école Montessori de Delft (Pays-Bas), construite au début des années 1960, Herman Hertzberger propose un plan qui garantit un parfait équilibre entre salles de classe et espaces dont la fonction reste indéterminée pour un maximum de flexibilité et de réversibilité.
À Paris, l’école primaire publique Saint-Merri Renard, par les architectes Alain Gamard, Daniel Lombard et Edouard-Marc Roux, se dresse depuis 1972 à proximité du centre Pompidou. Afin de cerner les besoins pédagogiques, le projet s’est opéré en collaboration avec les équipes pédagogiques. Ouverte sur l’extérieur grâce à de grandes baies vitrées, cet établissement se pense comme un complexe scolaire multi-équipements avec une piscine, un gymnase et des bains municipaux. Mais l’originalité de cette école réside également dans son organisation par plateaux d’enseignement. On y remplace les salles de classe traditionnelles par un plateau ouvert avec 3 classes, sans cloison, qui se font face et sont ouvertes les unes sur les autres. C’est ce qu’on appelle communément une école à aires ouvertes. Chaque plateau à chaque étage rassemble des classes de niveaux différents. Le décloisonnement des espaces a pour but de favoriser le mouvement, les interactions et les activités différentes. De plus, cette ouverture garantit une certaine sécurité, car les élèves et enseignants restent à tout moment à la vue des autres. L’espace, lui-même, devient un outil d’enseignement. En ouvrant l’espace et l’enseignement, une fluidité entre les cycles s’installe. Les enseignants, comme les élèves des différents niveaux, communiquent davantage, ce qui permet d’assurer une continuité tout au long du cycle scolaire. De toute façon, les enseignants n’ont pas le choix que de s’organiser ensemble, car si l’un des enseignants décide de faire une évaluation qui nécessite du calme, les autres professeurs du même plateau doivent également proposer des activités calmes et silencieuses.
© Olivier Nouyrit / ADAGP, Paris
http://www.oliviernouyrit.com/
© ALÖN / ADAGP, Paris
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À l’école primaire Kingsmead, à Northwich, au Royaume-Uni, les architectes de White Design Associates ont prévu dans les plans la possibilité d’extension dans le temps grâce à une structure porteuse en bois flexible. Les parois coulissantes permettent de varier la taille des espaces selon l’activité. À ce sujet, un professeur de math témoigne : “Tout est fait pour que nous ayons toujours les espaces adaptés pour bien travailler. Avec la forme de la structure porteuse en bois, nous pouvons faire évoluer les espaces grâce à des cloisons coulissantes. Si cela ne suffit pas, il est très facile de poursuivre le bâtiment pour ajouter quelques salles supplémentaires. Grâce aux choix écologiques (matériaux de qualité, récupération d’eau, isolation, ventilation…), nous avons l’assurance que la consommation d’énergie pour le chauffage n’accaparera pas tout le budget de l’école. D’ailleurs, les chiffres de la consommation d’énergie me servent comme support pour faire travailler les élèves en cours de maths.”
Enfin, l’atypique lycée Orestad au Danemark offre 4 zones d’enseignements qui permettent de varier la taille des classes afin de convenir à toutes les situations : travail individuel, en groupe ou en assemblée… Grâce à l’aménagement intérieur, les élèves apprennent à travailler aussi bien en autonomie ou en groupe, à prendre la parole devant une assemblée ou à chuchoter quand c’est nécessaire. Ils se responsabilisent dans ce lieu propice à l’interaction, la synergie, la communication et au respect.
Défonctionnalisation et ouverture sur le monde extérieur
En 2005, Derouet-Bresson dénonce : “l’idéal que nous connaissons est celui d’une école séparée du monde social”, mais “cette séparation est aujourd’hui remise en cause”.
Effectivement, on souhaite davantage intégrer l’école à son territoire, au réseau urbain et social qui l’entoure. Cet ancien sanctuaire fermé, parfois sous surveillance et ceint de barbelés, doit s’ouvrir.
De nos jours, la plupart des pays occidentaux envisagent une architecture scolaire polyvalente pouvant, à la fois, accueillir des activités scolaires et péri-scolaires pour enfants comme pour adultes. Quand on construit ou rénove, la question de la “défonctionnalisation” est essentielle.
L’établissement scolaire est public, il doit donc être rendu au public, à la communauté toute entière. Pour défonctionnaliser l’école et l’ouvrir à des activités péri-scolaires, les espaces doivent être modulables et flexibles. En 2008, Ponti parle de “bâtiments flexibles et extensibles” afin d’ouvrir l’école après ses heures de cours. Elle devient un lieu de rencontre et d’interaction entre les différents publics : élèves, enseignants, familles, citoyens…
Ce raisonnement fait sens quand toutes les politiques publiques cherchent à faire des économies et à éviter les gaspillages. Des études françaises ont calculé, en 2015, les dépenses liées au bâtiment public des écoles. Elles constatent que les écoles ne sont ouvertes que 36 semaines par an, soit 173 jours, dont 36 où l’école n’ouvre que la demi-journée. Sur toute une année, le taux d’occupation est donc d’environ 43%. C’est pourquoi l’accueil de nouveaux publics au sein des établissements scolaires, par exemple, pour la formation adulte, des événements culturels ou sportifs fait sens.
Si cette revendication date des années 1980 en France avec les lois sur la décentralisation, au Portugal, dès les années 1920, les écoles s’associent aux services éducatifs et sociaux (cabinet médical, bains publics, bibliothèque…) au sein des mêmes locaux. Initiées par le rapport de Plowden, les community schools en Grande-Bretagne réunissent en leur sein des équipements éducatifs et de loisir, disponibles pour l’ensemble de la population locale.
On peut, par exemple, ouvrir la cafétéria pour servir des repas aux citoyens, ou les auditoriums pour des concerts ou des événements culturels ou encore le gymnase pour des cours de sport ou des matchs en dehors des heures de cours.
Un élève décrit ainsi son école Jo Richardson à Dagenham, au Royaume-Uni : “Mon école est une école… et un peu plus aussi. On y travaille au calme, comme dans toutes les écoles. Mais le soir, pendant le week-end et les vacances, il y a toujours du mouvement et des activités. Voir des représentations de théâtre dans la salle de spectacle de l’école m’a donné envie de m’inscrire aux cours qu’une association propose. Je n’ai qu’un pas à faire pour y aller après l’étude.”

À l’école Metis Beach en Gaspésie, au Canada, les architectes ont imaginé un établissement multifonctionnel, ouvert et modulable grâce à un mobilier sur mesure. Ici, on cherche à favoriser la collaboration, les interactions, la créativité, mais aussi une meilleure gestion énergétique. Les architectes ont préalablement consulté les enseignants pour définir le projet. Pour tirer un maximum des locaux, l’établissement prévoit un gymnase double, une salle d’entraînement et une salle polyvalente, ouverte après les heures de cours pour organiser des événements. À l’extérieur, une scène sert, à la fois, à enseigner et à organiser des spectacles.
À l’école Leutschenbach de Zurich, en Suisse, la cour de récréation n’est pas délimitée afin de s’intégrer parfaitement dans le tissu urbain sans barrière. En-dehors des heures d’école, le gymnase est géré par une association qui assure son bon fonctionnement et son ouverture pour des matchs ou des entraînements.

Crédit Photo @ DARIO PFAMMATTER
Socialisation
De nos jours, l’école est une seconde maison pour les enfants et les adolescents. Véritable lieu de socialisation, les élèves doivent s’y sentir en confiance, s’exprimer librement et nouer des liens. En plus de contribuer au développement des aptitudes de communication des élèves et de leur confiance, cela peut stimuler leur créativité, leur soif d’apprendre, le sentiment communautaire, le bien-être et la réussite scolaire.
L’architecture scolaire doit favoriser les rencontres et les interactions en procurant un cadre ouvert et rassembleur.
Aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Norvège, beaucoup d’établissements scolaires, qui réunissent sous le même toit le primaire et le secondaire, proposent un espace commun pour encourager les échanges entre les élèves de tous les âges, mais aussi les enseignants de tout niveau et toute discipline confondue.
L’architecture scolaire doit également donner davantage de place aux parents, surtout en primaire : accueil et échange. De nombreux pays européens parviennent à intégrer cette convivialité dans la conception des bâtiments, par exemple, en installant des fauteuils confortables dans le hall d’accueil ou dans un coin propice aux rencontres entre parents ou entre parents et enseignants.
Créer des espaces qui ressemblent aux enfants et répondent à leurs besoins
Sonder et comprendre les besoins des usagers
Comme le suggèrent les travaux de Marie-Claude Derouet-Besson dans les années 1990, comprendre les besoins des usagers et les problématiques actuelles de la pédagogie est nécessaire pour concevoir une architecture qui leur convient. Pour l’architecture scolaire, cette approche “responsive design” s’appuie d’abord sur des principes pédagogiques appelés “théories de la pratique” qui définissent les interactions entre les élèves et leur environnement. Pour connaître et comprendre les usagers, les architectes doivent s’appuyer sur les recherches faites en éducation et en psychologie enfantine.
On encourage aussi les architectes à passer du temps avec le “client”, c’est-à-dire à collaborer avec les différents acteurs pour cerner l’ensemble de leurs besoins et attentes : décideurs, équipes éducatives, parents, élèves, équipes techniques… En phase préparatoire de construction ou de rénovation d’un établissement scolaire, consulter les élèves et les enseignants afin de recenser leurs usages et attentes dans une analyse des modes d’apprentissage (Learning Mode Analysis, LMA) permet :
- d’améliorer réellement les espaces de travail,
- d’assurer un aménagement efficace et durable
- et d’éviter les gaspillages.
Ensemble, les professionnels doivent questionner les choix pédagogiques, éducatifs et didactiques sur lesquels reposent les partis-pris architecturaux. Tenir compte des propositions des principaux concernés est le meilleur moyen d’œuvrer à la réussite de tous les élèves.
Cela nécessite :
- Des espaces dédiés au dialogue : avant, pendant et après la réalisation du bâtiment, car l’école moderne se veut évolutive et flexible.
- L’implication et le bon-vouloir des parties prenantes, chacune d’entre elles doit se sentir responsable et actrice de l’école (personnel, parents, enfants).
- Une réelle écoute des besoins des usagers par les décideurs et les architectes.
Concernant l’approche customer-centric dans l’architecture scolaire, tous les pays ne sont pas égaux. Les pays anglo-saxons jouent le rôle d’élève modèle.
En Grande-Bretagne, par exemple, parents et habitants de la ville sont consultés lors d’un projet de construction d’architecture scolaire. Ceci découle de la tradition Third Teacher qui considère l’espace comme un outil éducatif.
En 2007, le gouvernement écossais lance le programme Building Excellence pour améliorer l’architecture des établissements scolaires, suite à la réforme des programmes pédagogiques de 2004. Son but est de corréler l’évolution des approches éducatives à celle de l’architecture scolaire. Pour ce faire, le programme s’appuie sur l’association des concepteurs avec les usagers : intendants, décideurs, équipe éducative, parents, élèves… L’une des difficultés a été d’aider les utilisateurs d’établissements à formuler efficacement leurs attentes et leurs besoins.
Autre exemple, le projet de l’opération pilote de rénovation et de construction d’écoles “Les écoles prennent le temps de l’architecture” du Ministère de la Communauté française en Belgique repose sur la même approche grâce à la concertation de tous les usagers.
En plus de contribuer à la réussite des élèves et à la performance des établissements, cette collaboration favorise la sympathie et l’approbation de la communauté, ce qui renforce encore la fonction sociale du bâtiment.
À l’école internationale de Zurich, à Wadenswil (Suisse), un parent d’élève témoigne ainsi : “Nous avons eu la chance de pouvoir donner notre avis avant la construction de l’école, ainsi que les enfants, les enseignants, le personnel… Maintenant, nous avons une vraie place dans cette école avec un lieu pour nous rencontrer et créer des contacts. Les enfants voulaient avoir des classes avec des formes et des couleurs toutes différentes. Pour avoir le sentiment d’être dans des lieux plus intimes, les classes ont été regroupées par 6, avec leurs propres sanitaires et un espace de travail ouvert pour des petits groupes.”
Freins actuels
Si elle doit devenir systématique, la prise en compte de l’usager reste variable selon les pays, et doit partout être améliorée. Les concepteurs et les décideurs rencontrent parfois des obstacles lorsqu’il s’agit de collaborer avec les futurs usagers dans des projets d’architecture scolaire.
Tout d’abord, les élus ont besoin de guidance, car ils ne possèdent pas tous les outils, les connaissances et les compétences nécessaires pour organiser cette collaboration avec la communauté locale, le personnel de l’établissement scolaire, les élèves, les parents.
A l’heure actuelle, beaucoup d’élus pensent que la consultation des usagers est du gaspillage. Sans éducation, ils campent sur leurs positions et considèrent que ces projets collaboratifs sont trop coûteux.
À cela, s’ajoute un cahier des charges long comme le bras à respecter : normes sécuritaires, plan vigipirate… ce qui n’est pas toujours compatible avec les envies et besoins des usagers.
Du côté des concepteurs, les concours d’architecture par lesquels passent souvent les architectes pour obtenir leurs projets, notamment de bâtiments publics, ne laissent que peu de temps ou de place au dialogue avec les futurs usagers.
Bien que les consciences en la matière évoluent, les programmes de construction standardisés ont encore de beaux jours devant eux.
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- hygiène,
- facilité de maintenance et d’entretien.
De plus, ils se déclinent dans une large palette de couleurs et de nuances. Il y en a pour tous les goûts, et cela vous permet de customiser les espaces selon leur fonction pédagogique :
- couleurs naturelles et calmes dans les lieux d’apprentissage et de lecture,
- couleurs plus vives et gaies dans le réfectoire et le gymnase…
Avec la gamme AcrovynByDesign®, vous pouvez également y imprimer en haute définition des fresques murales, réalisées par un artiste ou avec les élèves. Vous êtes libre du sujet et pouvez vous en servir comme projet collaboratif et fédérateur.
Le nouveau lycée professionnel et technique Dr. Kirk Lewis, à Houston, Texas (Etats-Unis), achevé en 2014, voit les murs de ses couloirs et de ses espaces communs égaillés et embellis par des fresques pertinentes, inspirantes, tendances, intemporelles et innovantes.
Imprimées sur des panneaux AcrovynByDesign®, elles représentent des portraits de Steve Jobs, Albert Einstein et d’autres personnalités.
Ces illustrations sont en lien avec la spécialité de chaque pôle pour faciliter l’orientation. En plus de l’originalité du produit, sa durabilité et résistance ont fini de convaincre l’établissement et les concepteurs. En effet, les couloirs sont très fréquentés et leurs cloisons souvent mises à rude épreuve. Pour des raisons de maintenance et d’hygiène, les surfaces doivent être faciles et rapides à nettoyer.
« Les couloirs de notre lycée obtiennent 20/20 pour leur design, leur fonctionnalité et leur durabilité. Ils motivent et stimulent les élèves avant même qu’ils n’entrent dans la salle de classe. Les responsables de l’établissement ont l’esprit tranquille, sachant que nos murs personnalisés résisteront à l’épreuve du temps et à l’usure quotidienne. »
Steven Fleming, principal de CTHS
Le groupe scolaire parisien maternel et primaire, situé dans le 17ème arrondissement de Paris s’est aussi laissé séduire par les produits Acrovyn® pour la liberté qu’ils offrent, mais aussi leur durabilité, leur résistance, leur respect des contraintes d’hygiène et d’usage.
Ces panneaux muraux créent une cohérence esthétique en accord avec le style architectural et participent à l’éveil des enfants, notamment à une sensibilité écologique. Ils servent ainsi de supports éducatifs.
Ils recouvrent plusieurs espaces communs : le réfectoire et la salle de sieste.
Pour le réfectoire, l’idée était de favoriser la convivialité et la détente des élèves avec une décoration, à la fois, distrayante et apaisante. Faciles à nettoyer et résistants aux chocs des chariots, les panneaux AcrovynByDesign® répondaient à l’ensemble du cahier des charges pour décorer la salle commune où déjeunent les élèves. En cuisine, l’architecte a opté pour des panneaux Acrovyn®.
Anti-chocs et teintés dans la masse, ces produits ne bougent pas dans le temps, les salissures se nettoient rapidement et les chocs ne laissent ni éraflure, ni trace blanche. Bactériostatique par nature, le matériau Acrovyn® est l’allié des espaces collectifs, sujets aux utilisations intenses.
Dans la salle de sieste, des plaques murales Acrovyn® protègent les murs contre les chocs des lits ou des chariots de ménage jusqu’à mi-hauteur. Leur découpe ronde et la couleur Bleu Aqua favorisent la relaxation et créent une atmosphère douce.

Conclusion
Comme le souligne la théorie du Third Teacher, l’architecture fait partie intégrante du processus pédagogique. Même si aujourd’hui l’architecture scolaire est encore trop souvent considérée comme un sujet secondaire, offrir aux élèves et aux enseignants un espace propice au bien-être, à la socialisation et à la réussite devient un enjeu capital. N’oublions pas que l’accès à des lieux d’étude et de travail de qualité est un droit inaliénable pour tous les acteurs de l’école.
Malgré les difficultés rencontrées, la naissance d’agences d’architecture spécialisées dans l’espace éducatif, les nombreuses études sur le sujet, la mutualisation des ressources à la portée de tous sont autant d’outils en faveur de nos écoles du futur.
Progressivement, un vocabulaire commun se dessine à l’horizon en portant l’attention sur différentes caractéristiques favorables au bien-être telles que :
- la luminosité,
- les couleurs,
- les matériaux,
- les dimensions,
- l’accès à la nature,
- la place du jeu…
Outre la préoccupation esthétique, les concepteurs doivent également prêter attention aux usages :
- lieu d’apprentissage et de vie,
- équilibre entre zones communes et espaces intimes,
- flexibilité des espaces pour la pratique de tous types d’activités individuelles ou collectives,
- respect des exigences écologiques et technologiques,
- …
Flexible, réversible et modulable, l’architecture scolaire doit répondre aux besoins évolutifs des usagers en termes de superficie, d’apprentissage et de socialisation. Dans un climat scolaire positif, les élèves sont plus susceptibles de réussir et les relations sociales s’améliorent.
Pour aller plus loin, n’hésitez pas à visionner cette vidéo sur l’école Blé en Herbe, à Trébédan dans les Côtes-d’Armor en France qui réunit les principales caractéristiques d’une architecture scolaire adaptée :